Critique de Revenge

Un plat qui se mange saignant

Un film de
Coralie Fargeat
Sortie
7 février 2018
Diffusion
Cinéma

Ces derniers temps, nous avons la chance et le plaisir d’assister à la naissance d’un nouveau cinéma de genre français, audacieux et caractériel. Des jeunes réalisateurs et réalisatrices. En réaction à un état du cinéma français, peu innovant, frileux ou snob, ils créent une vaguent de films de genre complètement assumés et avec un très fort caractère tant esthétique que narratif.

On pourrait citer Grave de Julia Ducournau, Arès de Jean-Patrick Benes ou encore l’injustement oublié Virtual Revolution de Guy Roger Duvert. Aujourd’hui il sera question du dernier produit de ce type en date : Revenge de Coralie Fargeat.

Trois riches chefs d’entreprise quarantenaires, mariés et bons pères de famille se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Un moyen pour eux d’évacuer leur stress et d’affirmer leur virilité armes à la main. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres… Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie… Et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme…

Un film sang pitié

Revenge se revendique, des dires de la réalisatrice, du genre du rape and revenge ou la victime agressée sexuellement va ensuite, dans une spirale de violence, se venger de ces agresseurs. Malheureusement dans le cas de Revenge, cela implique une structure très évidente et prévisible qui n’est pas vraiment questionnée ou contournée. Cependant cette faiblesse scénariste est assez mineure car contrée par la richesse des thèmes de l’histoire. Revenge traite de la sauvagerie, de la part d’animalité dans l’humanité, de où elle se terre et de ce qu’il faut pour la faire surgir. Les personnages sont progressivement poussés à se débarrasser de tous leurs attributs humains comme punition à leur sauvagerie passée. Commençant par briser les tabous sociaux et violer la dignité humaine et se retrouvant bientôt à gambader nus comme des vers à la recherche de quelque chose à tuer, communicant presque seulement par grognements. Cette transformation au cœur du film est absolument fascinante à observer, comme une perte de contrôle à la fois terrifiante et cathartique.

L’emphase du film est vraiment mise sur la transformation. La transformation des rapports sociaux de l’agréable à l’hostile, de l’homme à l’animal, du paradis à l’enfer. Mais c’est surtout la transformation de l’héroïne de la bimbo, objet sexuel complètement contrecollée par les hommes, à une guerrière féroce qui lutte pour sa survie et pour (une certaine vision de) la justice. Cette « mue » peut être vue comme une parabole de l’évolution de l’attitude des femmes dans la société et surtout dans le milieu du cinéma. En cela la charge féministe pamphlétaire du film est très intelligemment mise en scène et parfaitement pertinente.

Une course à sang à l’heure

Mais l’intérêt de Revenge est surtout visuel. C’est un délire esthétique halluciné génialement assumé, qui se sépare du réalisme sans perdre en dureté et en impact. La réalisation laisse libre court aux effets de style et d’hallucination. Il y a une fracture dans les scènes d’action : franchement impressionnantes au début elles finissent dans scènes montrant la souffrance et la violence à une échelle plus humaine.

Coralie Fargeat exploite à fond la palette de couleur du désert : le jaune et le bleu profond en saturant les couleurs et en y faisant éclater le rouge du sang. Un soin tout particulier est apporté à la représentation de la violence. Les plans sont composés avec soin même au delà de ce travail des couleurs. Mais le but du film reste d’être ultra-rythmé, il ne cède que très peu à la contemplation. Tout s’enchaîne extrêmement vite mais le montage reste parfaitement visible. La réalisatrice se permet même des séquences hallucinées de rêve à coups de montage épileptique et d’images de stock qui s’intègrent miraculeusement bien.

Dans Revenge, tout à un impact particulièrement fort. Les coups de feu font un bruit monstre, les os craquent, la chair crisse, le sang gicle… C’est par le son que vient la carnation viscérale qui fait ressentir la dureté des choses au spectateur. Le tout est accompagné par une musique qui colle parfaitement à tout ce que l’on a évoqué précédemment avec des boucles électronique hypnotiques et des piques de violence sonores complètement significatifs.

Revenge est donc un excellent film de genre, dans l’ère du temps et avec un fort caractère esthétique. Complètement décomplexé il ne s’encombre d’aucun réalisme, il devient un gros plaisir sadique et masochiste. On pourrait comprendre que certains soient gênés par les partis pris scénaristiques et le jeu excessif des acteurs ou lassés par la débauche d’hémoglobine mais tous ces éléments font sens au sein d’un film peu commun et franchement jouissif.

4

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