Annecy 2018 : critique de Gatta Cenerentola

Un film de
Alessandro Rak, Ivan Cappiello, Marino Guarnieri, Dario Sansone
Sortie
19 septembre 2018
Diffusion
Cinéma

Sélectionné en compétition au festival d’Annecy mais également présenté à la Mostra de Venise, Gatta Cenerentolla est le premier long-métrage d’Ivan Capiello après de nombreux travaux créatifs dans d’autres productions animées italiennes. Partagé entre le conte, le polar et la science-fiction, le film se veut être un ovni dans sa forme, tout en réécrivant une des histoires les plus connues du folklore européen : Cendrillon.

À Naples un scientifique de talent porte les ambitions d’une ville en perdition, et rêve d’en faire une utopie scientifique. Le jour de son mariage, il est assassiné par l’un de ses proches collaborateurs avec la complicité de son épouse et sous les yeux de sa fille. Quinze ans plus tard, un homme qui fut jadis chargé de sa sécurité revient pour sauver l’orpheline de la belle-mère de cette dernière et ses six belles-sœurs.

Le défi était multiple : celui de la réadaptation certes, mais également dans la démonstration de force pour le studio Mad Entertainment. Tout ceci s’inscrivant dans une recherche des créations sud-européennes à s’exporter, ce dont le festival offre l’opportunité.

D’un point de vue purement esthétique, Gatta Cenerentola offre des visuels des plus originaux, en gardant un aspect très dessiné (aux traits dont le coup de crayon se démarque), très coloré considéré comme naturel pour de la 2D, alors qu’il s’agit d’une animation 3D pour l’essentiel. Rythmée, elle souffre cependant parfois d’un aspect peu fluide ce dont le spectateur peu faire abstraction, mais qui peu toutefois retenir l’attention par ce défaut obsolète aux vues des capacités techniques actuelles. Elle n’en reste pas moins séduisante dans son style, également grâce au travail des couleurs.

L’un des points forts, outre l’esthétique, est la réappropriation du célèbre mythe de Cendrillon dans sa version du dramaturge Basile, présentant quelques variantes à la version de Perrault que nous connaissons mieux. Les caractéristiques essentielles sont là : du désespoir de la jeune femme en haillons à la pantoufle de verre. Les noms et qualificatifs sont eux aussi repris, apportant à l’adaptation moins de subtilité certes tout en restant pardonnable. Pour le reste, le film offre une plongée dans un univers entre rétro-futurisme et film noir. Les enjeux sont sombres, les personnages égoïstes et désabusés. La quête d’une rédemption n’est jamais loin, mais le gouffre vers un drame inévitable plane plus lourdement sur l’atmosphère du film. Si dans le conte Cendrillon rêve d’une vie dans le grand monde pour se sortir de sa misère, l’adaptation, elle, montre le danger des paillettes et celui dans lequel peut plonger des individus désespérés. Thématique très chère au cinéma américain, elle est ici revisitée à la sauce napolitaine, sa mafia et sa théâtralité.
En effet et de manière surprenante, Gatta Cenerentola est ponctué de scènes musicales qui par leur apparition et mise en scène en renforce l’aspect tragi-comique. Toutefois sans parvenir à trouver un réel équilibre au sein d’une oeuvre déjà dense et qui se perd parfois dans la diversité de ce qu’elle veut aborder. Le passage d’un genre d’une scène à une autre semble parfois artificiel et exagéré, quand des approfondissements nécessaires à la compréhension des motivations et parcours des personnages auraient été bienvenues. De l’autre côté, des dialogues factuels et grotesques  alourdissent parfois la narration. Quelques défauts qui, s’ils sont facilement visibles, ne ternissent pas l’intérêt de cette production qui sait respecter les codes des genres qu’elle aborde, et qui jouit d’une réelle poésie.

Gatta Cenerentola est un pari en partie réussi pour cette production animée italienne de grande envergure. De l’oeuvre ressort un véritable travail artistique au service du récit, l’un des plus grands intérêt de l’animation probablement. Une preuve de la maîtrise de la part des créateurs. En revanche, le fond souffre encore de lacunes que ce soit dans les transitions narratives ou les dialogues.

3.5

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