Critique de Le Roi, guerre-épée

Un film de
David Michôd
Sortie
1 novembre 2019
Diffusion
Netflix

Nouveau film Netflix, mêmes appréhensions. Car si le géant du streaming a su convaincre par la qualité de ses nombreuses séries à succès, il peine encore à produire un film marquant. Netflix a-t-il trouvé la recette miracle avec la sortie de Le Roi (The King) réalisé par David Michôd (Animal Kingdom) ?

Le film nous raconte l’histoire de Hal, héritier du trône d’Angleterre et fils d’Henry IV, dans le contexte des guerres incessantes et des rivalités du début du XVème siècle. Hal est interprété par Timothée Chalamet, qui continue son ascension et commence à se positionner comme vraie tête d’affiche pour blockbuster.

Hal, jeune prince rebelle, tourne le dos à la royauté pour vivre auprès du peuple. Mais à la mort de son père, le tyrannique Henri IV d’Angleterre, Hal ne peut plus échapper au destin qu’il tentait de fuir et est couronné roi à son tour. Le jeune Henri V doit désormais affronter le désordre politique et la guerre que son père a laissés derrière lui, mais aussi le passé qui resurgit, notamment sa relation avec son ami et mentor John Falstaff, un chevalier alcoolique.

Le poids de la couronne

Tout au long de l’histoire, Hal est amené à douter de son combat. S’engageant dans une guerre contre la France, le jeune roi est confronté à son absurdité ; en particulier au Moyen-âge où des affrontements pouvaient exploser pour presque n’importe quel prétexte. C’est dans cette thématique que David Michôd et Joel Edgerton (scénariste et acteur sur le film) vont puiser leur inspiration et donner une profondeur au film. Le personnage de Sir John (Joel Edgerton) sert alors de miroir pour le spectateur. Il représente le petit peuple emporté dans une guerre vide de sens, du moins pour les premiers concernés : les soldats. Tués, affamés, fait prisonniers… Le Roi nous rappelle que la guerre est un jeu d’échecs où les pions sont les premiers à tomber.

Le film aborde également la thématique de l’héritage ; un fils devant porter le poids des fautes de son père. Le personnage de Hal est justement présent pour tenter de briser cette roue qui broie sur son chemin le petit peuple et permet à la guerre de perdurer. Une guerre qui en plus d’être assez abstraite, semble fonctionner comme un commerce, ce que montre le personnage de l’archevêque de Canterbury qui rappelle que ses intérêts financiers sont en jeu, l’Eglise étant la banque qui finance la guerre.

Timothée Chalamet est tout à fait convaincant dans sa prestation de jeune roi d’Angleterre. Capable de beaucoup de sobriété dans son jeu, on le découvre dans un autre registre lorsqu’il harangue ses troupes avant la grande bataille. Le film doit donc beaucoup a son tandem formé avec Edgerton. Leur complicité est naturelle et le rapport père de substitution/fils et sujet/roi crée un paradoxe intéressant. La plupart des seconds rôles donnent une partition correcte, que ce soit Ben Mendelsohn, Sean Harris ou Lily-Rose Depp.

Cependant, il faut aborder le cas de Robert Pattinson. Acteur de talent, il s’investit véritablement dans son rôle de Dauphin français et réussit à reproduire un accent plus que correct. Hélas, son personnage extravagant, presque fou, dénote trop avec l’ambiance sérieuse et pesante du récit. On se retrouve avec un Pattinson qui cabotine et une situation assez surréaliste qui frise le ridicule. D’un côté Timothée Chalamet, acteur français, parlant français avec un accent anglais, de l’autre Robert Pattinson, acteur britannique parlant anglais avec un accent français. A ce jeu, on sent bien que Chalamet a bien plus de facilité.

Le regard du roi

Notons d’abord la réussite de la photographie du film, variant entre les scènes éclairées à la bougie et les batailles sous le ciel gris, permettant de créer une atmosphère pesante. Jouant intelligemment avec les ombres, la lumière vient accentuer la stature de Chalamet pour en faire un roi crédible aux yeux du spectateur.

Pour ce qui est de la mise en scène, il est appréciable de voir que Michôd sait prendre son temps, faisant durer les plans lorsqu’il le faut, créant de ce fait une tension efficace jusqu’à la grande bataille finale. Une bataille qui rappelle d’ailleurs que Game of Thrones est passé par là, en disant d’ailleurs peut-être plus sur la série que sur le film dont elle est issue. La série d’HBO a créé un standard tellement élevé avec sa « bataille des bâtards » qu’il est difficile de filmer une scène de combat sans souffrir de la comparaison. Dans le cas présent, la grande bataille est très bien filmée, l’action est claire et on ressent le chaos du combat. Cependant, certains plans sont très proches de la série et on se demande même s’il n’y a pas eu une inspiration trop visible. La boue, le plan zénithal sur un guerrier au milieu du chaos, les combats désordonnés… Les parallèles sont trop nombreux et on peut regretter qu’il n’y ait pas plus d’idées originales. La musique, elle, retranscrit bien l’ambiance médiévale du film, jouant des chœurs et des tambours de guerre.

Dans l’ensemble, Le Roi est loin d’être raté. Il est même bien supérieur à la majorité de ses homologues estampillés Netflix. Sans être révolutionnaire ou incroyablement marquant, le film est bien raconté et se paye le luxe d’une esthétique soignée, porté par un beau casting et une direction d’acteurs intelligente, à l’exception du rôle du Dauphin. Si vous êtes attiré par les récits médiévaux, les batailles épiques ou tout simplement que vous êtes fan de Timothée Chalamet, Le Roi saura vous satisfaire, jusqu’à sa fin douce-amère qui résume très bien l’essence du film. On peut alors espérer que Netflix tirera des leçons de ce succès et s’aventurera dans des genres cinématographiques nouveaux et plus variés.

3.5
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