Annecy 2019 : Critique de L’extraordinaire voyage de Marona

Un film de
Anca Damian
Sortie
8 janvier 2020
Diffusion
Cinéma

D‘après les dires, on se repasse le film de sa vie au moment de mourir. Mais à quoi peut bien ressembler celui d’une jeune chienne, tout juste percutée par une voiture, alors que sa jeune maîtresse accourt auprès d’elle ? C’est le point de départ de L’extraordinaire voyage de Marona, sixième film de la réalisatrice roumaine Anca Damian, présenté en compétition officielle à Annecy.

Si le postulat de cette production franco-belgo-roumaine laisse clairement apercevoir le drame vers lequel se dirige Marona, personnage principale mi-dogue argentin mi-batarde, c’est une aventure délicate que propose le long-métrage. Et qui a déjà bien ému les spectateurs du festival.

Si l’on devait définir L’extraordinaire voyage de Marona en un mot, ce serait « poétique ». La narration se faufile entre lignes de dialogues émouvantes et créativité dans l’utilisation de son médium. Du point de vue de la petite créature à quatre pattes, doublée avec justesse par Lizzie Brocheré, tout un monde à la fois dur et fantasque prend vie sous nos yeux ébahis. Le texte, principalement composé de réflexions en aparté de Marona, amorce un poème doux-amer sur l’existence, ses instants de bonheur brefs mais précieux, sa souffrance parfois brutale et ses longs moments d’attente d’une nouvelle lueur. Une profondeur métaphysique pourtant accessible aux plus jeunes, bien qu’émotionnement chargée.

En outre, le film utilise l’originalité du point de vue de son personnage principal jusqu’au bout, faisant passer les émotions non seulement dans ses visuels, mais également dans les descriptions des odeurs, des ressentis instinctifs. Un voyage sensoriel ponctué par des actes narratifs biens distincts, le rapprochant du conte (Le titre anglais étant par ailleurs Marona’s fantastic tale). L’intrigue en elle-même, si elle suit une trame classique donc, est contrasté par la beauté de l’écriture et du parti pris global du film autour de la poésie et de la quête d’identité.

Il est, une fois n’est pas coutume, bien difficile de décrire visuellement l’animation du long-métrage. Le film foisonne de styles et de techniques, une particularité visuelle déjà vu dans le travail de Anca Damian notamment avec le documentaire en animation Le voyage de monsieur Crulic, vainqueur du Cristal au festival d’Annecy en 2011. Il s’agit dans L’extraordinaire voyage de Marona, d’un enchaînement de tableaux lyriques et presques surréalistes.  Un exercice de style dont la liberté sert le récit : des rayures d’un pull qui suivent un personnage telles des tentacules, aux cheveux qui noient l’écran pour un autre ; leurs designs reflètent en eux-même le caractère et les émotions de chacun. Alors que de l’autre côté les décors eux, interragissent avec Marona. Une force d’utilisation du médium qui fait aussi la richesse du long-métrage.

L’extraordinaire voyage de Marona est un film multiple. Multiple dans son style d’animation, multiple dans les émotions qu’il transmet, multiple comme les maîtres de Marona et donc ses vies. S’il n’est pas exempt de longueurs, il demeure une belle aventure lyrique et profonde. Accessible dans ses thématiques, il est une porte d’entrée dans une animation moins grand public, plus abstraite, sans perdre le spectateur pour autant. 

4

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