Critique de T2 Trainspotting

Trainspotting, film culte des années 90, véritable œuvre charnière d’une génération d’anglais et de jeunes du monde entier a le droit à sa suite, 20 ans après, avec le retour de l’intégralité du casting (sacré tour de force). Critiqué ou adulé le film culte de Danny Boyle ne laisse pas indifférent.

Les attentes sont colossales et même si Danny Boyle n’a plus grand chose à prouver certains de ses films ont reçus un accueil mitigé par la presse et les spectateurs (le récent Steve Jobs par exemple). T2 Trainspotting est déjà sorti en Angleterre et divise la critique anglo-saxonne et alors qu’il sort ce mercredi en France est-il vraiment à la hauteur des attentes ?

D’abord, une opportunité s’est présentée. Puis vint la trahison. Vingt ans plus tard, certaines choses ont changé, d’autres non. Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer. Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent. Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse…

On se shooterait à la vitamine C si cela avait été illégal…

L’intrigue prend place 20 ans après les événements du premier film (c’est également ce qui sépare la sortie du premier et du second opus) et est tiré du livre Porno d’Irvine Welsh suite directe du roman Trainspotting. Petit rappel des faits: en 1994 Danny Boyle connait son premier succès critique avec Petit Meurtre entre amis qui lance sa trilogie sur le manque d’argent poussant à la trahison (Bag of Money Trilogy). Trainspotting sort en 1996 et rencontre un succès commercial impressionnant: 70 millions de dollars de recettes dans le monde et un score honorable de 1 040 390 entrées en France ! Un succès qui se doit principalement à son ancrage dans le monde réel qui touchera particulièrement les jeunes de l’époque au point de devenir une oeuvre de référence de toute une génération.

20 ans après cette génération a vieilli et attend avec impatience le retour de ce qui fait de Danny Boyle l’un des plus grands réalisateur anglais: ses personnages et sa réalisation ambitieuse. Rent-boy, Spud, Sick Boy, Franco… sont tous de retour mais avant d’aller plus loin, et contrairement à ce qui a été dit en interview, il est important de préciser qu’il faut absolument connaitre l’oeuvre originale pour pouvoir apprécier cette suite qui est entièrement basée sur les conséquences des actes du premier film.

Choisir de voir l’histoire se répéter

Un retour réussi pour les personnages ? Difficile à dire, la nostalgie est bien là mais le film manque de véritables prises de risques et se repose sur certaines facilités qui feront certes plaisir aux fans mais risquent de décourager facilement les non initiés. Les personnages n’ont finalement pas évolués en 20 ans. En ne prenant pas en compte les développements des personnages de Renton et Spud qui sont les plus intéressants, Sick Boy et Begbie se retrouvent fades. Solution de facilité pour Begbie (la prison et la quête de vengeance) et quasiment aucune évolution pour Sick Boy. On se retrouve alors avec un groupe au développement bancal, mais qui semble finalement recherché pour montrer les conséquences d’une jeunesse sans réels plans d’avenir.

« On occupe nos vies avec de la merde, comme les carrières et les relations, pour nous faire croire que tout n’est pas totalement inutile »

Mais là où le film déçoit c’est par son scénario: une suite qui se construit à la manière d’un remake. Exit la drogue, ici il est question des représailles suite aux événements du premier et au temps qui passe. Mais pourtant les deux se ressemblent terriblement dans leur construction globale. L’héroïne se retrouve relayée au second plan et là où l’on pouvait s’attendre à une critique de la société, de ses évolutions depuis 20 ans il n’en est finalement rien. Renton traverse une période plus que difficile dans sa vie: il est perdu et à tout perdu, il ne sait plus où aller, ne sait plus quoi faire. C’est cette crise terriblement réaliste, ce postulat de base, qui fait la force, comme le premier en son temps, de ce T2 Trainspotting. Comme un écho, 20 ans plus tard, de ce que sa vie aurait été s’il avait continué dans sa dépendance. Il s’en remet à ses plus vieux amis, ses seuls repères, mais une fois cette problématique introduit le film commence à tourner en rond. Il se perd dans un labyrinthe d’histoires imbriquées d’où en ressort un Best Off de l’oeuvre de Boyle loin d’être mauvais mais en laissant une impression de déjà vu et de nostalgie facile et gratuite.

Choisir son avenir

Mais le film n’est pas mauvais, loin de là. Danny Boyle connait à la perfection les codes de son film culte et les applique ici avec une fluidité et une maîtrise incontestée, la réalisation est encore plus aboutie et nous offre des véritables scènes cultes: de la scène du morceau « anti-catholique » aux scènes plus intimes de la maison familiale de Renton, Boyle n’a plus rien à prouver et dispose d’une véritable liberté d’action qui lui permet d’aller jusqu’au bout de son projet.

Mais la réalisation, les acteurs, le scénario ne sont pas les seuls responsables du succès du premier opus: la bande son est un, voir l’élément central du film et est devenue le symbole d’une génération. Comment ne pas penser à Born Slippy d’Underworld lorsqu’on évoque Trainspotting ? Un poids important sur les épaules donc, et le pari est plus que réussi puisque la bande son égale et dépasse peut être même celle du premier. Avec le morceau Silk de Wolf Alice qui vous restera certainement dans le crâne des heures durant et surtout avec une tracklist complètement folle (Iggy Pop, The Clash, Frankie Goes to Hollywood, Blondie, Queen…).

T2 Trainspotting est une réussite, la suite idéale pour les fans qui attendent depuis maintenant plus de 20 ans de découvrir ce que sont devenus les personnages cultes du premier film. Mais malgré une réalisation une nouvelle fois exemplaire et une bande son exceptionnelle on ressort avec la sensation qu’un autre film aurait pu exister, avec plus de prises de risque. Mais la question est plutôt de savoir si l’on voulait vraiment un film plus novateur au risque de perdre ce qui faisait l’essence du premier ? La réponse dépend évidemment de la perception de chaque spectateur mais on peut avancer en toute honnêteté que non, un film plus périlleux aurait déçu. Contrairement à ce T2 Trainspotting qui ne révolutionnera pas et ne marquera pas une génération comme le premier en son temps mais qui se révélera très bon dans ce pourquoi il a été conçu: combler le spectateur.

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