Critique de The Magicians, féérie et réalisme

CET ARTICLE EST GARANTI 100% SANS SPOILER !

The Magicians (2015), créée par Sera Gamble et John McNamara, est une série américaine diffusée sur la chaîne Syfy. L’histoire est une adaptation du roman éponyme écrit par Lev Grossman. Elle compte aujourd’hui 2 saisons de 13 épisodes, et a été renouvelée pour une troisième prévue pour l’hiver 2018.

L’histoire est celle de Quentin, un étudiant solitaire et mal dans sa peau, qui en-dehors de son amie d’enfance Julia ne fréquente que les personnages de son livre préféré, Fillory, qui conte l’histoire d’un monde féérique et surtout magique. Il va rapidement découvrir que la magie est réelle, qu’il est capable de s’en servir, et être admis dans l’université pour magiciens Brakebills. Quentin va y faire la rencontre d’autres magiciens comme la brillante Alice, les fêtards Eliot et Margo, ou encore Penny avec qui ses rapports ne seront pas toujours des plus chaleureux. Les étudiants ne vont pas tarder à être confrontés à de graves dangers, magiques ou humains. Ils devront s’allier, de gré ou de force, pour faire face à leurs terribles ennemis.

Une série qui se veut drôle…

A première vue, le thème abordé par la série, ainsi que le synopsis que vous venez de lire peuvent faire penser à un Harry Potter adapté en série pour ados. Pourtant, il ne faut que quelques épisodes pour comprendre qu’on est loin de l’univers du jeune sorcier avec baguettes, balais et autres Magicobus. Ici la magie est une forme d’énergie, extrêmement puissante et donc très dangereuse, manipulable par certains au prix d’un long travail.

Cependant, si l’histoire parvient à rester réaliste en s’inscrivant dans un monde réel (au moins pour la première saison) et en traitant des problématiques concrètes, elle n’est pas pour autant sérieuse et grave. A l’inverse, la série semble elle-même se prendre au second degré, tant grâce à sa narration et à l’abondance de situations absurdes et souvent drôles, que grâce à l’écriture de ses personnages (voire à leur aspect, on pense notamment à un certain dieu cornu…).

L’autodérision de Quentin, l’humour noir de Penny et surtout les répliques savoureuses du duo Eliot-Margo allègent le ton du récit tout en instaurant une complicité entre le spectateur et les personnages, parfois maladroits, parfois agaçants mais toujours attachants. Ceux-ci sont bien servis par une très bonne distribution, constituée d’acteurs souvent méconnus mais talentueux. Mention spéciale à l’excellent Hale Appleman, qui interprète le non moins excellent Eliot, un magicien bisexuel aux légères tendances dépressives qui pour moi constitue à lui seul une bonne raison de suivre le show.

… tout en assumant son côté sombre

Malgré ce ton léger, la série aborde des thématiques parfois dures, notamment par le biais du personnage de Julia. Non-admise à Brakebills, la jeune fille poursuit son chemin en parallèle de celui de Quentin et des autres et va croiser le chemin de gens plus ou moins recommandables, subissant de nombreuses épreuves parfois particulièrement dures. Les personnages de la Bête et du dieu maléfique Reynard donnent aussi l’occasion de scènes violentes, et les héros sortent rarement indemnes de leurs affrontements avec ces antagonistes terriblement puissants. On peut reprocher à la série de jongler parfois difficilement entre cet esprit léger et ce récit souvent sombre, mais c’est un parti pris qu’elle conserve tout au long des deux saisons, et qui fonctionne plutôt efficacement si on se prend au jeu.

Le scénario lui-même suit le ton de la série, entre rebondissements absurdes et situations parfois surprenantes, sans jamais être ennuyeuse. Certains épisodes parviennent même à prendre à contre-pied le spectateur (on pense particulièrement à l’épisode 4 de la saison 1, tellement en décalage avec le récit qu’il paraît presque hors-série). On peut toutefois regretter le rythme assez convenu, chaque danger éliminé laissant place à une menace encore plus grande. On ne peut cependant pas reprocher aux scénaristes un quelconque manque d’imagination quant à la nature de certaines de ces menaces.

Et ensuite ?

Sans dévoiler le contenu de l’intrigue, la saison 2 laissait les protagonistes dans une situation inédite, après un saut de quelques mois dans le temps. La saison 3, prévue pour fin 2018, devrait donc relancer le show sur de nouvelles bases. Si les deux premières saisons ont pris le temps de faire évoluer les personnages jusqu’aux rôles qu’ils tiennent désormais, nul doute que cette nouvelle donne va rebattre les cartes. Certains vont prendre de l’importance, tandis que d’autres risquent de se retrouver isolés, voire désemparés. Une habitude dans cette série dont l’un des points forts est de savoir constamment remettre en question ses personnages, les poussant ainsi à évoluer et à montrer toutes les facettes de leur caractère.

Il faut également s’attendre à voir nos héros souffrir, les scénaristes n’ayant pas été particulièrement tendres avec eux jusqu’ici. On peut souligner la capacité du show à relancer le scénario dès que l’intrigue s’essouffle, même si comme dit plus haut les ficelles scénaristiques sont parfois un peu grosses, et on peut légitimement s’interroger sur la viabilité à long terme de la série si elle garde le même fonctionnement rythmique. La question n’est cependant pas à l’ordre du jour, la dynamique actuelle étant efficace et pleine de promesses.

The Magicians est une série surprenante, drôle, parfois touchante, qui plaira aux amateurs de fantastique. Certes, sa réalisation est parfois quelconque et elle n’est pas dotée d’un fil scénaristique particulièrement original. Mais elle brille en revanche par la qualité de ses personnages et de ses mises en situation qui, elles, sortent de l’ordinaire. Au final, on prend un vrai plaisir à la regarder, fan de fantasy ou non. Et n’est-ce pas là le principal ?

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