Cannes 2018 : Critique de Trois visages

Un film de
Jafar Panahi
Sortie
6 juin 2018
Diffusion
Cinéma

Jafar Panahi est le prototype de ce qu’on peut appeler « le cinéaste politique ». Bien plus qu’un Oliver Stone, malgré tout soutenu par des studios, Panahi est à un tout autre niveau d’engagement, puisque bloqué par son pays pour des propos trop engagés Malgré tout, le cinéaste iranien continue de tourner, toujours avec cette envie de faire passer un message sur la société. Et cette année, c’est en se mettant lui-même en scène au côté de la talentueuse Behnaz Jafari que Jafar Panahi a décidé de nous inviter dans un petit village d’Orient…

L’histoire est celle de Behnaz Jafari dans son propre rôle, alerté par le message vidéo d’une jeune fille juste avant son suicide, la suppliant de l’aider à rentrer au conservatoire pour devenir comédienne. Accompagnée de Panahi dans propre rôle aussi, elle va alors partir en quête de cette jeune fille et des raisons qui l’ont poussé à cet acte désespéré. Commence donc un petit périple au travers des dogmes et des traditions qui régissent ce petit village parmi tant d’autres, où la vie dans cette micro-société est réglée comme du papier à musique.

La première force du film réside dans sa simplicité. Une histoire courte qui se déroule sur la durée d’un week-end, pour un film court lui aussi (1h24). Malgré tout, le film connait quelques longueurs dues à la réalisation tout en retenue de Panahi. C’est à travers la mise-en-scène que le spectateur sera vite emporté dans l’intrigue. En effet, l’interminable plan-séquence d’ouverture nous empêche de décrocher du drame qui lance l’histoire. Par la suite, Panahi s’amusera à filmer ses personnages avec une certaine simplicité, sans jugement, laissant le spectateur libre de les aimer ou non. Car au-delà de la mise-en-scène, c’est aussi la vraisemblance qui se dégage du scénario qui permet à Trois visages de toucher son public. Sans artifice, sans retournement de situation saugrenu, l’histoire ne s’encombre pas d’éléments inutiles et va droit au but.

Les dialogues sont également très intéressants, parfois proche de l’improvisation, ce qui donne aux habitants du village une authenticité très agréable à regarder et écouter. On se demande parfois même si certains connaissent leurs textes, tant leurs répliques sont riches de ces petites hésitations qui font leur naturel.

Un point oubliable du film : la musique. Presque absente ou en retrait, on comprend qu’elle n’a pas été la priorité de Panahi, qui était à la recherche de la simplicité. C’est peut-être malgré tout un défaut du film, car l’absence d’un bande-son forte tire en longueur certaines scènes, faisant passer le film pour une séance de 2 heures.

Enfin, l’identité visuelle du film se démarque par sa photographie, presque entièrement faite de lumières naturelles. Cela suit parfaitement la logique du film et ne gâche pas les beaux paysages de ces campagnes arides.

Trois visages est donc un film particulièrement intéressant et ne ressemblant à aucun autre de la sélection cannoise de cette année. Porté par ses deux acteurs principaux, son scénario très simple permet quelques digressions et moments de grâce pour le réalisateur. On retiendra tout de même ses moments de longueur et ses 10 premières minutes difficiles. Panahi nous aura livré une œuvre authentique et sans prétention, peut-être sa plus grande force pour la compétition ?

3.5
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