Critique de Aladdin, comme une impression de déjà-vu

Un film de
Guy Ritchie
Sortie
22 mai 2019
Diffusion
Cinéma

Nous sommes le 27 novembre 1996. Deux ans auparavant, les studios Disney intensifiaient une nouvelle fois leur domination sur le monde de l’animation avec Le Roi Lion, chef d’œuvre intemporel, se classant aujourd’hui à la troisième place des films d’animations les plus fructueux pour Disney (derrière La Reine des Neiges et Zootopie). Pourtant, ce succès ne suffisant pas au géant de l’industrie cinématographique, une idée germa dans l’esprit des producteurs : se servir du succès de leurs films d’animations pour produire des films en prises de vues réelles (live-action). Ainsi, cette révolution débutera en 1996 avec l’adaptation des 101 Dalmatiens par Stephen Herek, pour perdurer dans le temps jusqu’à devenir une véritable mine d’or pour la compagnie aux grandes oreilles, comptant désormais 11 remakes en prises de vues réelles à son actif. Mais 23 ans après la première adaptation en live-action de nombreuses critiques ont vu le jour, notamment sur le fait que ces adaptations restaient futiles et sans intérêt, jouant simplement sur la nostalgie de son public pour atteindre une certaine rentabilité.

C’est donc avec un certain recul et une évidente appréhension que le public voyait arriver dans les salles la version live-action d’une des œuvres les plus orientales de Disney : Aladdin. Pourtant, avec Guy Ritchie aux commandes et un come-back inattendu de Will Smith sous les traits du fameux génie, ce Aladdin version 2019 avait de quoi titiller la curiosité d’un grand nombre d’entre nous.

Quand un charmant garçon des rues du nom d’Aladdin cherche à conquérir le cœur de la belle, énigmatique et fougueuse princesse Jasmine, il fait appel au tout puissant Génie, le seul qui puisse lui permettre de réaliser trois vœux, dont celui de devenir le prince Ali pour mieux accéder au palais …

Faites place au Prince Ali(wood)

Moderniser sans dénaturer, voilà le principal objectif d’un réalisateur lorsque celui-ci s’emploie à adapter un classique dont la renommée n’a d’égal que sa qualité. Ainsi, adapter Aladdin était un défi de taille, mais évidemment réalisable, surtout lorsque Guy Ritchie a été annoncé pour le relever. Cependant, si le long-métrage vient à se démarquer de l’original, ce n’est clairement pas par son scénario, mais bien par sa modernité à toutes épreuves. Tout en restant fidèle aux matériaux de base, Ritchie souhaitait donner un second souffle à une œuvre dont le charme résultait d’une folie créatrice en terme d’animation, mais aussi d’un côté cartoon totalement assumé. C’est donc avec un certain ravissement que nous prenons plaisir à retrouver les thèmes musicaux d‘Alan Menken, dont les sonorités restent fidèles aux partitions originales tout en adoptant un air plus moderne en accord avec le renouvellement promis lors de l’annonce de cette nouvelle adaptation.

Néanmoins, cette modernité possède également ses limites, notamment sur l’absence d’un humour cartoonesque qui est tout simplement mis de côté, comme le montre parfaitement le traitement des personnages du petit singe Abu et du sournois perroquet Lago, tout deux relégués au rang de simples figurants. Ce manque d’ambition créative est également présent chez le reste des personnages, passant d’un Jafar insipide à un Aladdin tout juste convaincant. Finalement, c’est bien le personnage de la princesse Jasmine, interprété par la toujours très juste Naomi Scott, qui vient voler la vedette à tout ce petit monde. En effet, cette adaptation d‘Aladdin se veut être plus féministe que son prédécesseur, donnant ainsi une place centrale au personnage de la princesse bien souvent reléguée au rang de simple outil scénaristique. Guy Ritchie, de par ce choix audacieux mais finalement très judicieux, inclut ainsi des problématiques de son temps tout en restant fidèle au récit fondateur. Mais finalement, malgré une touche de modernité omniprésente, le film reste toujours à des années lumières de la féerie et de l’émotion que pouvait procurer le film d’animation à sa sortie. Cela s’explique notamment par des effets spéciaux grotesques et sans saveurs : ironique, quand on sait que le live-action était censé donner une nouvelle touche de réalisme à l’œuvre originale …

Une adaptation (trop) fidèle

Si l’on doit retenir ne serait-ce qu’une chose de ce Aladdin, c’est bien son amour et sa fidélité pour l’œuvre originale. Les plus sceptiques d’entre nous diront qu’il est normal qu’une adaptation soit fidèle à celui qui l’inspire.M en prenant un certain recul, nous ne pouvons que regretter cette paresse créatrice, surtout venant d’un amoureux de la mise en scène comme Guy Ritchie. Contrairement à ses précédentes création, la patte artistique du réalisateur est difficilement identifiable : restriction de la société de production ou simple renoncement du réalisateur, difficile à dire …

Pourtant, cette fidélité est quelques fois utile au long-métrage, notamment sur l’environnement mise en place par Ritchie. Fortement inspiré de Bolywood, le film est constamment bercé par un florilège de couleurs et de paillettes (notamment durant les scènes musicales particulièrement réussies), qui permettent de donner un souffle réaliste et féerique à la ville d’Agrabah.

S’inspirant de toutes les réussites de l’animé, le film est également convaincant durant les scènes où Will Smith, impeccable en génie, nous montre l’étendue de ses qualités de showman. Mais malgré toute sa bonne volonté, celui-ci ne parvient pas à faire sortir le film d’une certaine dépendance de l’œuvre originale, comme si la nostalgie avait finalement enterré toute tentative de création.

Loin d’être un désastre, cette nouvelle version d’Aladdin reste tout de même sans grand intérêt. En conservant tout les aspects à l’origine du succès du film d’animation, Ritchie choisit la sécurité, oubliant ainsi son statut de réalisateur à la patte artistique originale qui donnait une véritable personnalité à chacun de ses films. Finalement, cet Aladdin version 2019 est loin de faire oublier l’œuvre originale et n’est rien de plus que le symbole d’une industrie qui peine à se renouveler, tant l’atout marketing d’une nostalgie grandissante n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui.

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